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« La visée d’une psychanalyse : mettre la vérité à sa place plutôt que de la découvrir (Lacan) »

psychanalyse, allongé sur le canapé
Texte : Copyright Sophie Gramond-Rault – Reproduction interdite.

La demande de vérité en début de cure : un leurre ?

Quelle est la visée de la cure de psychanalyse ? Pourquoi se lancer dans une cure ? Lacan a introduit le concept des discours pour éclairer les positions subjectives et les relations qui se jouent dans le cadre de la cure analytique. Car au début d’une cure, un analysant vient avec une demande : « qui je suis ? » « pourquoi ce symptôme se répète-t-il ? » « quel est le sens de la vie ? » etc… Il s’en remet au supposé savoir de l’analyste sur son inconscient[1]. Alors qu’en début d’analyse, l’analyste n’en sait rien justement. En effet, l’analysant vient en début de cure avec une demande de vérité. Or qu’est-ce que la vérité ? : « En analyse, il s’agit de la vérité liée au langage qui concerne le dire de l’analysant, et cette vérité, du fait de la division du sujet, ne peut que se mi-dire, elle est toujours amputée du refoulement originel. »[2]

Le transfert et l’impossible révélation totale de la vérité

 Cette demande d’interprétation, d’explication, c’est le début du transfert. L’acte d’analyse est d’opérer ce quart de tours qui permet au  S/ de se mettre en place d’agent. Car La réalisation du transfert est le renoncement à attendre – de l’analyste – la réponse qui manque irrémédiablement. Au moment précis où l’analyste commence à savoir[3].  

Ne pas répondre à la demande, c’est ce qui va permettre au Désir d’advenir. Dans le DA (discours de l’analyste), l’analyste occupe une position qui ne cherche surtout pas à dévoiler de façon directe la vérité du patient. Au contraire, la libre association permet de lever les éléments inconscients du discours de l’analysant. L’analyste n’a pas pour vocation à révéler un savoir qu’il ne possède pas. Il n’est que l’homme de paille qui fait semblant de savoir[4]. Il aide à lever son propre voile sur ses désirs, ses fantasmes. Cela sans y plaquer un protocole ou une signification préconçue.

La visée de la cure de psychanalyse : repositionner la vérité à la bonne place

L’analyse en permettant l’hystérisation du discours aide à repositionner la vérité à la bonne place : la vérité n’est pas extérieure au sujet, mais elle est un processus, une prise de conscience de ce que la vérité a de structural et non de factuel pour le sujet[5].  Pour cela, l’analyste recule au moment de dire la vérité : il met en suspension le jugement, il laisse parler l’analysant. En cela il occupe une position pyrrhonienne[6] : l’important c’est que l’analysant continue, qu’il y ait d’autres énoncés qui vont éclaircir l’énoncé principal. Et c’est pour ça que la vérité ne peut être toute dite, elle ne peut être que mi-dite. Elle est dissimulée dans l’inconscient, la cure met en évidence les mécanismes de défense pour résister à la découverte de la vérité.

Lacan rappelle dans La direction de la cure, le trajet d’une cure à l’horizon de ce qu’a découvert Freud : « […] de la rectification des rapports du sujet avec le réel, au développement du transfert, puis à l’interprétation […] Rien de plus, mais aussi rien de moins. »[7].

Le discours analytique : un quart de tour pour repositionner la vérité

Le discours analytique en opérant un quart de tours révèle l’impossible à saisir, à dire : la cause du désir, l’objet a, qui jamais ne peut se réduire à un signifiant. L’analysant perçoit que la vérité ne se dévoile jamais totalement, mais que la cure lui donne les moyens de cerner les effets, jusqu’à la traversée du fantasme[8].

Visée d’une psychanalyse

Car aucune position dans les discours ne permet de rejoindre la vérité, elle est marquée par l’impuissance à être rejointe. C’est le point aveugle de tous les discours : la vérité est inatteignable par le discours. La cure incite à produire des signifiants, des mots, elle produit des lapsus, des quiproquos, des malentendus qui jamais ne permettent de rejoindre, de recouvrir le savoir inconscient. Le système ne se boucle jamais. « C’est pourquoi Lacan disait que le discours analytique ne vise pas tant à découvrir la vérité, qu’à la mettre à sa bonne place. »[9]

D’où l’importance de ce moment, où dans l’analyse, l’analysant s’approprie ce qui lui arrive, alors que jusque-là, il se sentait objet. Et donc, il change d’angle, de point de vue au moment de la traversée du fantasme : il en devient responsable[10]. Ce retournement, dont Freud souligne l’importance[11], permet de mettre la vérité à sa place.

Conclusion : la vérité comme processus, non comme objet

Ainsi nous aurions pu conclure avec J.-A. Miller : « « La psychanalyse commence avec un Je ne sais pas qui je suis, ce que je suis qui ne ne se referme pas sur un Je suis mais, selon J.-A. Miller, « C’est ça ! ».»[12].

Et avec Marguerite Yourcenar, qui à travers Hadrien, « nous parle » :  « Le véritable lieu de naissance est celui où l’on a porté pour la première fois un coup d’œil intelligent sur soi-même.[13]» : la cure comme une (recon) naissance à soi-même.


Si cet article vous donne envie de vous renseigner sur une psychanalyse avec une lacanienne, vous pouvez consulter la page sur la psychanalyse.


Notes

[1]Lacan Jacques, Séminaire XI, « Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, 1964, pdf p 146

[2] Pierre Jamet, « Vérité et Savoir dans la cure et la théorie analytiques » Dans Hypothèses 2006, pages 43, Éditions Érès

[3] Lacan Jacques, Séminaire XI, « Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, 1964, pdf p 146

[4] Claude-Noële Pickmann, « Ce qui oriente la cure » in Figures de la psychanalyse 2011/1 (n° 21), p27

[5] Lacan Jacques, « La direction de la cure et les principes de son pouvoir », Intervention au colloque international de Royaumont (10-13 Juillet 1958) et retravaillée à Pâques 1960 pour la publication dans La psychanalyse, 1961, n° 6, « Perspectives structurales », pp. 149-206. 

[6] Jacques Lacan, Séminaire XV, L’objet de la psychanalyse, 1965-66

[7] Lacan Jacques, « La direction de la cure et les principes de son pouvoir » pdf p10

[8] Bernard Victoria, cours p 36

[9] Bernard Victoria, cours p 11

[10] Claude-Noële Pickmann, « Ce qui oriente la cure » in Figures de la psychanalyse 2011/1 (n° 21), p29

[11] S. Freud, « Analyse finie et infinie », op. cit., p. 263

[12] Rodolphe Adam, « La direction de la cure et les principes de son pouvoir », Section Clinique de Bordeaux 2014-2015, Pdf p 7, www.lacan-universite.fr 

[13] Marguerite Yourcenar, Les mémoires d’Hadrien, p 29

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